Les Œuvres
Te Deum – Requiem
Jean-Baptiste Lully – Karl Jenkins
Article de Thierry Merle
Te Deum – Lully
Composé à la demande de Louis XIV en 1687 pour célébrer les grandes victoires de la première partie du règne et l’installation de la cour à Versailles, ce Te Deum se présente comme un tout. Il alterne toutes les couleurs (trompette, cordes, bois), tous les tempos (de l’allégresse de la gloire ou recueillement du « Miserere ») et toutes les constructions vocales possibles (solos, ensembles, petit chœur et grand chœur homophone).
L’atmosphère très versaillaise qui s’en dégage, tout comme la richesse de sa composition en font un joyau de notre art national. Heureux monarque, à qui il suffisait de demander pour obtenir.
Il ne nous est pas possible ici de dégager tel ou tel numéro ou passage dans cette œuvre d’une seule coulée. Que l’auditeur, après avoir lu le texte ci-dessous, se laisse porter par cette musique : elle est magnifique !
Texte original
Te Deum laudamus,
Te Dominum confitemur.
Te æternum Patrem omnis terra veneratur.
Texte en français
Ô Dieu, nous Vous louons,
et Vous reconnaissons comme le Seigneur et le Maître.
Ô Père éternel, toute la terre Vous adore.
Requiem – Jenkins
Composé en 2005, ce Requiem, avouons-le, n’a que n’a que peu de concurrents dans l’histoire de la musique, excepté chez Mozart. Et au-delà d’une musique absolument superbe, Jenkins a décidé de sortir des sentiers battus, élargissant son œuvre à plus d’universalité en intégrant, quasi un numéro sur 2, des poèmes d’adieu japonais. Ces poèmes s’individualisent par la langue, par le texte, par la structure musicale, par les effectifs mis en jeu et par la couleur générale qui leur est propre.
Disons le d’emblée, quelle que soit l’évidence de l’interprétation enregistrée par Jenkins lui-même et mise sur le marché, les sources d’interprétation de nos autres interprètes, ne doivent pas tarir. On ne peut pas vouloir que copier Jenkins. Une copie est toujours décevante face à un original… De plus, la musique, et ce Requiem en particulier, offre une telle liberté, et surtout une telle souplesse qu’elle s’adapte idéalement à bien des options prises, pourvu qu’elle reste dans le bon goût, et dans le respect de la vision d’ensemble de l’auteur. L’exploration de ce chef-d’œuvre ne peut d’ailleurs que l’enrichir en en découvrant, au fil des pages, la richesse et la variété.
La Jérusalem Céleste – Matisse
Après un travail assidu sur la partition (sur les parties chorales, mais aussi les lignes instrumentales), il me semble qu’il faut, en suivant le texte, avoir deux interprétations en vue : une pour la messe chrétienne, et l’autre pour les poèmes japonais.
En effet, une couleur spécifique doit être donnée au poème, tant pour la voix (les solistes ou un petit chœur d’effectif très réduit) que pour l’orchestre qui ne propose pas de cuivre dans ces pages. L’écriture est de plus très spécifique, faite de valeur constamment longues, poussant à mettre en valeur pour les quelques figurations, des instruments solos comme la flûte ou le basson.
Les parties de la messe chrétienne sont beaucoup plus conventionnelles, mais absolument superbes ! L’orchestre haut en couleurs met les cors à l’honneur, tandis que les percussions se déchaînent dans le « Dies Irae« . Mozart aurait réellement aimé ! On aura à cœur de prendre soin de l’interprétation de ce morceau qui apporte un grand contraste au sein du Requiem.
Le « Dies Irae » est en effet le seul numéro dans cette œuvre qui sort résolument de la douceur nostalgique de la vie, nostalgie plus marquée chez Jenkins que le traitement de l’effroi de la mort. Cette teinte générale qui émane de ce Requiem tient probablement à la personnalité de l’auteur, mais aussi, il faut le dire, au traitement social différent de la finitude par notre société aujourd’hui en regard de celles qui avaient cours au XVIIe siècle.
Mozart était fait d’ombres et de lumières ; avec Jenkins, nous sommes debout devant le crépuscule et toutes ses couleurs rougeoyantes.
Pour le reste, la partition n’étant pas, du point de vue solfégique très compliquée, notre travail tiendra avant tout à mettre l’auditeur devant les émotions que dégage des harmonies simples… mais terriblement efficaces.
Jenkins, le Mozart des temps actuels !