Les Œuvres
Stabat mater – Grande messe en ut
Francis Poulenc – Wofgang Mozart
Article de Thierry Merle
Stabat Mater – Poulenc
Le Stabat Mater, entre ombres et lumières …
Œuvre de circonstance, composée pour le décès de son ami peintre Christian Bérard, Francis Poulenc avait renoncé à écrire un Requiem qu’il jugeait trop pompeux et pas assez intimiste. Ainsi, son Stabat Mater va beaucoup plus loin qu’une réflexion sur la mort et l’au-delà qu’évoque la prière à Marie. Sans cesse au cours de cette musique somptueuse de bout en bout, Poulenc joue avec les couleurs et les contrastes.
Tout n’est effectivement qu’ombres et lumières dans ce chef d’œuvre…
Pour nous, habités par le baroque, nous ne serons pas désorientés. Plus encore même, il me semble pertinent d’aller à fond dans ce jeu que s’est offert Francis Poulenc : chaque morceau peut se teinter d’une couleur spécifique, jouant le contraste non pas à l’intérieur des 12 séquences, mais entre chacune des strophes.
Ainsi donc, nous passerons un peu vite sur les nuances proposées dans chacun des numéros (nuances d’intensité, de tempo, de couleur…) pour mieux accuser les contrastes entre chacun des numéros. En effet dans ce Stabat Mater, la douleur côtoie la confiance, le recueillement l’exubérance, et la plainte la rage.
L’orchestre fait la part belle aux instruments à vents qui apportent la ponctuation pour les cuivres, ou les longs gémissements pour les bois.
Le chœur est à 5 voix, dont 3 voix d’hommes (ténor, baryton, basse) dans la plus pure tradition des compositeurs français du grand siècle. Traité parfois a cappella, il demande souplesse, et art de la déclamation.
L’œuvre est écrite pour chœur et soliste soprano. On pourra s’étonner du choix fait de donner cette partie soliste au ténor. Cela répond peut-être à au désir d’équilibrer un concert qui donne une place royale aux deux sopranos de la Messe en Ut. Mais à regarder de près la partition, il est à peu près certain que Poulenc avait envisagé cette possibilité : dans le N°12, le pupitre ténor du chœur reprend note pour note ce que dit le soliste.
Dans bien des concerts, ce Stabat Mater tient lieu de pièce principale; on comprend pourquoi…
La Grande Messe en Ut – Mozart
Mozart n’a pas été un compositeur très attiré par la musique d’Église. Sa production dans ce domaine se résume à quelques pages seulement, ce qui est très peu au regard de sa production lyrique… Et pourtant, les deux pages les plus développées du compositeur autrichien que sont le Requiem et la Grande Messe en Ut se placent au sommet de toute la production européenne pour voix et orchestre…
Contrairement à JS Bach, Mozart prend de grandes libertés avec le texte : si le « Kyrie », le « Gloria » et le « Sanctus » de la Messe sont amplement développés, le « Credo » n’offre en revanche que deux numéros, et l' »Agnus » est absent. Pour autant, la musique, première dans ce recueil, est tout simplement superbe. A-t-on entendu morceau plus émouvant que le « Qui tollis » du Gloria, écrit à double chœur ? Les notes peinent à monter dans ce mouvement lent où Mozart excelle.
A-t-on entendu de joie plus enivrée que ces vocalises qui circulent dans le « Hosanna » (à double chœur !) portées par un orchestre où les cuivres ne manquent pas pour soutenir un édifice fait de belle stabilité ? Le risque dans une telle profusion de notes est d’arriver à un amalgame qui pourrait amener la surcharge pour l’auditeur. Les vocalises ne sont pas si nombreuses dans cette Messe : il faudra privilégier la clarté, voire le staccato.
Mais l’intérêt de la Messe en Ut réside probablement dans le traitement réservé aux deux solistes sopranos : après une « mise en jambe » pour chacune d’elles, respectivement dans le « Kyrie » et dans le « Laudamus te« , le feu d’artifice arrive avec le « Domine Deus« . L’échange des notes dans le haut de la tessiture doit faire frémir tout auditeur. La magie va se renouveler avec le « Quoniam » traité en trio cette fois avec le ténor, où les tenues de la soprano I sur le Si aigu et le « La » font également merveille. Enfin l' »Et Incarnatus est » est également de toute beauté. Ce chant d’amour désincarné, qui amène la soliste au contre-ut et porté par le trio d’anches de l’orchestre, est un autre sommet de la Messe.
Au chœur de savoir captiver l’intérêt des auditeurs autant que le feront les solistes. Les morceaux qui lui sont dévolus sont d’ailleurs majoritaires, et donnent à cette Messe toute sa grandeur !