Les Œuvres
Dominus regnavit – requiem
Jean-Joseph Cassanea de Mondonville – Wofgang Mozart
Article de Thierry Merle
Dominus Regnavit – Mondonville
Cette œuvre du baroque tardif (autour de 1750) reste totalement ancrée dans le style baroque avec ses caractéristiques qui lui sont propres : formes d’écriture, format de chacun des morceaux et succession des tempi, construction de l’harmonie, couleurs employées.
Mais comme toute œuvre baroque, elle ne donne pratiquement aucune indication d’interprétation, ce qui laisse une grande liberté aux interprètes, pour peu que l’on respecte le style…et le bon goût.
Bref, dans Mondonville, on peut être un peu soi-même, ce qui explique l’éventail des interprétations fort divergentes d’une œuvre comme le « Dominus regnavit », même si ce chef d’œuvre a été peu enregistré.
L’un des enjeux est tout d’abord de mener à bien les 5 voix du chœur, avec ses 3 pupitres d’hommes : mener à bien, c’est trouver une couleur et un équilibre qui donnent en particulier toute sa place au pupitre de barytons, utilisé exceptionnellement par les compositeurs français, depuis le XVIIème siècle… jusqu’à nos jours.


L’autre enjeu est de rendre la spontanéité, voire la virtuosité de cette partition particulièrement brillante. Il est vrai que Mondonville mène au bout des possibilités vocales et techniques la soliste contralto dans son air de bravoure, ainsi que les choristes dans les deux chœurs « Elevaverunt flumina » et « Gloria Patri ». Ici le staccato des vocalises, et là une rythmique omniprésente malgré la rapidité du tempo, sont parmi les enjeux incontournables de notre interprétation.
Notons à ce propos, que Mondonville a fait confiance plus que nul autre compositeur aux chœurs (les siens devaient être d’un excellent niveau !) puisque dans cette composition d’envergure modeste, on trouve pas moins de 4 chœurs très largement développés, avec notamment le fameux trio d’hommes « Et enim firmavit » qui est l’un des joyaux de la musique française du XVIIIème.
« Quoniam ipsius est » écrit pour la soliste contralto accompagnée par les cordes (violons à l’unisson) et la clarinette solo. D’une virtuosité à toute épreuve, et d’une beauté plastique extraordinaire, cet air a, en son temps, été intégré au « Dominus regnavit », mais à ma connaissance, et très curieusement, il n’a pas été retenu par les enregistrements du marché.
On prendra enfin soin, côté orchestre, de remarquer la présence d’une flûte piccolo dans le « Elevaverunt flumina » colorant délicatement le morceau, pour peu que le soliste maîtrise bien sa présence en concert…
Le Requiem – Mozart
Il s’agit là de l’œuvre pour chœur solistes et orchestre la plus jouée et la plus enregistrée de l’histoire… Disons d’emblée qu’il serait prétentieux de vouloir sortir des sentiers battus pour faire quelque chose d’original en pensant renouveler à nous seuls ce monument culturel de notre civilisation occidentale…
Cela n’empêche pas, bien sûr, de lire et de travailler cette partition dans ce qu’elle a d’original, dans sa structure comme dans l’enchaînement des numéros, en ayant forcément à l’esprit que le dernier quart, à partir du « Hostias », est de la composition de l’élève de Mozart : Franz Xaver Süßmayr.


Sculpture représentant Saint-Pierre au portail de la Cathédrale Notre-Dame de Rouen.
Jean-Noël Lafargue — Photographie personnelle
Pour ma part, je pense qu’il est intéressant d’ouvrir la partition en se replongeant dans le contexte de sa composition et de son époque :
- C’est la dernière œuvre de Mozart (son testament musical ?) ;
- Il y a deux compositeurs au sein d’une même œuvre ;
- Mozart écrit une œuvre religieuse avec une foi naïve, voire superficielle par rapport à la plupart des auteurs baroques. Ce point est important, il explique en partie le contraste saisissant et constant entre les ombres et la lumière…
- En 1791 date de la composition, la révolution française bat son plein et initie un basculement dans la façon de penser de toutes les populations d’Europe Occidentale ;
- C’est finalement un «Requiem» qui est plus qu’un «Requiem»…
Pas de révolution à attendre donc dans notre interprétation, mais une stimulation pour mettre en valeur les couleurs, des voix…comme des parties instrumentales, une volonté d’accentuer les contrastes entre ombres et lumière, entre les numéros comme à l’intérieur des morceaux, entre les différents tempi, entre piano et forte, bref, innerver la vie dans toute cette partition…
Et enfin peut être ne pas reprendre les nombreuses reprises (« Quam olim Abrahae », « Lux aeterna », « Cum sanctis tui ») sur un mode identique : les auditeurs doivent avoir droit à quelques inattendus pour une partition connue .